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Photo du rédacteurLudivine Morbin

#Blacklivesmatter : La paix ne fait pas audience dans les médias

Journaliste, j'étais parmi les 20 000 personnes rassemblées, mardi 2 juin devant le Tribunal de Paris, pour dénoncer les violences policières et le racisme de notre société. J'y étais par conviction personnelle, mais frustrée par le traitement médiatique réservé à cet événement, je prends la plume pour témoigner et partager ma déception et ma colère.


Les minorités raciales ne doivent pas être seules à mener le combat contre le racisme. Nous tous, citoyens français et du monde - quelle que soit notre couleur, nous devons nous unir et faire front face aux préjugés, aux actes discriminatoires et racistes qui gangrènent notre société. C'était le but du rassemblement devant le Palais de Justice de Paris, mardi 2 juin, à l'appel d'Assa Traoré, la soeur d'Adama Traoré décédé lors d'une interpellation par des gendarmes en 2016. Pourtant ce que les médias français vont montrer - en très grande majorité de ce rassemblement - ce sont des images de heurts entre manifestants et policiers et des dégradations dans les rues. Pourquoi choisir de mettre en avant les images "vendeuses" des heurts et des affrontements, plutôt que de promouvoir le message rassembleur et positif de l'événement...


Une marée humaine mobilisée pour la paix et la justice pour tous


Surtout que nous étions plus de 20 000 personnes à avoir "bravé" l'interdiction de la Préfecture de Police pour témoigner notre soutien à Adama, et aux autres dizaines de victimes des violences policières en France. Une manifestation pacifique, bon enfant où je suis allée avec deux amis. Je ne suis pas une habituée des manifs, mais là, il n'était plus question de rester chez moi et de me taire. Ma voix, comme celle des 20 000 personnes, devait être entendue. Malgré l'interdiction, malgré le Covid, on était rassemblés pour dire STOP au racisme, STOP aux discriminations, STOP aux violences policières, STOP aux contrôles au faciès et STOP à l'impunité et aux inégalités. En France, le soit-disant "pays des Droits de l'Homme", la justice n'est pas la même pour tous, nous devons nous réveiller et amorcer un changement.





Dans la foule, des familles, des groupes d'amis "Blacks, Blancs, Beurs", moyenne d'âge 25 ans, autant de filles que de garçons, certains avec des pancartes "Justice pour Adama" ou des T-shirts floqués du "BlackLivesMatter". Pendant près deux heures, nous étions tous masqués (crise sanitaire oblige) à applaudir aux slogans de la foule "Justice pour Adama", "Police Assassin", "Black Lives Matters". Adama en France, George Floyd aux Etats-Unis, même combat ! Il y avait tellement de monde que l'on n'a pas entendu la soeur d'Adama, son discours aurait conclu cette belle communion et les gens seraient rentrés chez eux dans le calme comme ils étaient arrivés.


Au lieu de ça... ce sont les gaz lacrymogènes des policiers et CRS, présents en nombre au tour du Parvis du Tribunal, qui nous ont forcé à nous disperser ! Car oui... la foule s'est faite gazer sans somation et sans raison, pendant qu'elle applaudissait tranquillement. Un mouvement de foule a débuté tout le monde voulant éviter de se faire gazer, et c'est à partir de ce moment que la manif pacifique a laissé place à quelques affrontements entre jeunes et force de l'ordre... Mais c'est une très petite minorité de manifestants qui a répondu par la violence aux jets de lacrymo de la police. La majorité s'est dispersée en courant, pour s'éloigner des gazs lacrymo et du début des échauffourées... C'est ce que nous avons fait avec mes amis. En regardant de loin ces fumées, nous avons tous eu la même réflexion au même instant :"on ne verra plus que ces images sur les chaînes d'infos et pas tout le reste!" Nous savions que notre message d'unité et de paix n'aura dès lors plus la même portée... Nous savions que les médias ne parleraient dès lors que brièvement des 20 000 personnes unies dans le calme, rassemblées pour défendre la paix, l'égalité et la justice.... alors que les images des heurts et des dégradations tourneraient, elles, en boucle. Nous rentrions chacun chez soi entre déception, colère et frustration.



Un ras-le-bol généralisé d'un traitement médiatique biaisé


Une autre scène dont nous avons été témoins ne sera jamais montrée ou racontée par les médias.... Alors qu'un homme seul commençait à casser la vitrine d'un hôtel, des personnes, qui comme nous s'étaient mis à l'abri, se sont alors immédiatement interposées pour l'empêcher de vandaliser. Mais ça personne ne le verra ou l'entendra... C'est pour cela que je tenais à témoigner de ce que j'ai vu et vécu hier de l'intérieur... J'ai été journaliste pour des médias (presse écrite, TV et radio) pendant quinze ans, j'ai assisté impuissante à la dérive de notre métier vers une "info"en continue sans analyse et prise de recul.


Que ça dégénère c'était ce qu'espérait certaines personnes... et malheureusement le traitement médiatique de cette mobilisation va leur donner raison. Le message pacifique et revendicateur de la manif ne sera que trop peu véhiculé. Le rôle de la presse et des journalistes est de raconter les événements de l'intérieur, sans parti pris et dans la plus grande objectivité... et pas de se focaliser sur un angle, une prise de vue qui font"vendre" ou font de l'audience.


Tous les policiers ou gendarmes ne sont pas racistes ou violents, tous les jeunes noirs ou maghrébins habillés en streetwear ne sont pas des dealeurs de drogue ou des délinquants. Arrêtons de véhiculer dans les médias des clichés et des idées préconçues et erronées sur les minorités invincibles, et attachons-nous à montrer des images positives d'une France multiculturelle qui sait se rassembler et s'unir pour la paix, l'égalité et la justice, et pas seulement après un titre de Champions du Monde de foot.


Crédit Photos de cet article : Emma Brèque (IG: Emmabrq)



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